Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
WAKE UP AFRICA. Bienvenue sur la page web de l'AUDA (Association pour l'Unité et le Développement de l'Afrique)
WAKE UP AFRICA. Bienvenue sur la page web de l'AUDA (Association pour l'Unité et le Développement de l'Afrique)
Derniers commentaires
Archives
9 février 2012

Enjeux d’une nouvelle dévaluation du FCFA. Par Soh D. William et Kamdem Willy

Des rumeurs de dévaluations du FCFA en fin 2011 ont entrainé des réactions de plusieurs autorités financières dans le monde. La pluralité de sorties médiatiques pour démentir ces rumeurs est non seulement la preuve que la première dévaluation du FCFA de janvier 1994 a laissé de très mauvaises impressions auprès des agents économiques, mais aussi qu’une nouvelle dévaluation pourra avoir des consImage1équences désastreuses sur l’économie des pays concernés. La présente réflexion tend à mieux cerner enjeux d’une nouvelle dévaluation, en particulier sur le Cameroun.

Une dévaluation est la modification de la parité d’une monnaie par rapport à une ou plusieurs autres monnaies. En ce qui concerne celle (la parité) qui existe entre le F CFA  et le FF(Franc Français), elle a été fixée en 1948 à 1 FF pour 50 FCFA et modifié une seule fois  en 1994 pour devenir 1FF pour 100 FCFA et aujourd’hui le FCFA est arrimé à l’Euro par une parité fixe. La dévaluation est un acte juridique pris de commun accord entre les 15Etats de la Zone Franc et la France. Elle intervient lorsque certains indicateurs de bonne santé de l’économie (niveau d’endettement, niveau de croissance, Taux de couverture extérieur de la monnaie) sont au rouge et a pour principal objectif de redynamiser l’économie du pays concerné en rendant ses produits d’exportation plus compétitifs à l’international.

Les exigences d’une bonne dévaluation

Pour que cela soit possible, il faut donc : que l’économie soit dans une situation de sous-emploi des facteurs de production, ceci afin  qu’il y ait possibilité de transfert des ressources non utilisées dans l’industrie des exportations, sinon il faudra davantage importer les matières premières (capital, main d’œuvres,..) à un prix de plus en plus élevé ; il faudrait également que l’avantage compétitif qu’on a ne soit pas accompagné par une hausse des salaires et une inflation incontrôlée, d’où la nécessité de la mise en œuvre par l’Etat de certaines mesures (fiscales, d’accompagnement...).

La dévaluation est une mesure qui possède plusieurs avantages mais aussi plusieurs inconvénients. Elle est généralement une combinaison de points de vue économiques et  politiques. Comme avantage on a : l’effet très positif qu’elle a sur la balance des paiements si elle ne s’accompagne pas d’une hausse des salaires et des prix ; elle contribue fortement à la croissance économique si l’effet d’illusion monétaire créé par une hausse provisoire des prix est maitrisé chez les salariés ; enfin elle entraine un chômage moins élevé que toute autre politique de réduction des dépenses.

Comme inconvénients on peut citer : la condition d’efficacité basée sur le transfert des ressources non utilisées dans l’industrie exportatrice n’est pas facile ; elle est considérée comme une défaite tant pour le gouvernement en place que pour le pays entier au regard des effets sur le long terme qu’elle peut avoir ; enfin la peur d’avoir une succession de dévaluations anime les agents économiques.

Un contexte Socio-économique inopportun

Si on s’en tient à l’aspect juridique d’une dévaluation, il est sensé de dire, tout comme le Gouverneur de la BEAC Luca Abaga Nchama et la directrice du FMI Christine Lagarde, qu’ « il  n'y aura vraisemblablement pas dévaluation du Franc de la communauté financière africaine tel que l'annonce une certaine rumeur depuis quelques jours » car les conditions nécessaires à une dévaluation ne sont pas réunies.

En effet le taux de couverture extérieur du F CFA est de 100% taux qui est largement au-delà du quota nécessaire à une dévaluation (20%). De plus le Cameroun a enregistré au cours de ces douze dernières années (2000-2011), un taux de croissance du PIB positif bien qu’insuffisant de 3.38%, des excédents budgétaires importants, une balance commerciale excédentaire, un système bancaire solide, un niveau très confortable des réserves de change couvrant plus de 5 mois d’exportations. 

Le Cameroun dispose de plus de 6.000 milliards de réserves selon Essimi Menye. La dette publique de l’Etat s’est stabilisée depuis 2009 autour de 10.3% du PIB. Quant au déficit public (prêt/emprunt du gouvernement), il était positif avant  2008 mais se trouve autour de -1.33% en moyenne après comme on peut l’apercevoir dans ce tableau :

2007

2008

2009

2010

2011

4.5%

2.3%

-0.1%

-2.1%

-1.8%

Cela peut s’expliquer par les répercussions négatives de la crise européenne sur le pays. Le niveau de  l’inflation quant à lui  se situe autour de 3%. Le PIB en 2010 était de 25.042 milliards de dollars  avec pour principaux secteurs les services, l’industrie et l’agriculture.

Il est important de noter que la dévaluation ne saurait être justifiée par la crise européenne. Mais cette crise peut affaiblir l’économie camerounaise qui est en pleine reconstruction à un point où, si des solutions adéquates ne sont pas trouvées  à temps, cela pourra causer, sur le moyen terme, la dévaluation du FCFA car tous  les indicateurs seront dès lors en deçà des normes requises.

 En effet cette crise européenne entraine une diminution de notre demande extérieure (car l’Europe constitue notre principal partenaire commercial). Cela s’observe sur le volume de nos exportations. Elles se situent à 3 milliards  de dollars en 2009  contre 4 milliards en 2008.

La Directrice du Département Afrique du FMI, Mme Antoinette Monsio Sayeh,  pense que : « La crise mondiale a un effet sensible sur la région, qui s’exerce par plusieurs canaux. La demande d’exportations Africaines a diminué et les cours de la plupart des produits de base ont baissé. Le resserrement du crédit à l’échelle mondiale ainsi que l’aversion au risque des investisseurs ont entraîné l’inversion des flux d’investissements de portefeuille, découragé l’investissement étranger et rendu plus coûteux le financement du commerce ».

Cette crise réduit l’aide publique au développement accordée par l’Europe au Cameroun. Cela aura un impact sur le niveau du déficit budgétaire. Plus la crise s’empirera, plus cette aide sera réduite, et plus cela sera néfaste pour notre économie. Si la crise s’amplifie pour constituer un frein et même un obstacle majeur à la « politique des grandes Réalisations » de Paul Biya et donc sur la possibilité de voir le pays atteindre l’Emergence d’ici 2035 comme le manifeste le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi.

Afin d’amoindrir les effets de cette crise, le gouvernement devra réajuster sa stratégie de croissance ceci en envisageant d’autres moyens de contournements comme la diversification de nos produits d’exportations et de nos partenaires commerciaux. L’effectivité ou une volonté accrue de rendre effective l’intégration dans la sous-région d’Afrique Centrale pourra s’avérer être très avantageuse, avec un effet création de richesse important. La Dévaluation peut-elle faire partir de ces mesures ? Pas vraiment, et nous verrons pourquoi.

Effets d’une nouvelle dévaluation sur la Balance de Paiement

Une dévaluation du FCFA de nos jours pourra entrainer des effets suivants : le dépouillement du Cameroun de ses matières premières, par leur acquisition à un taux presque nul ; la flambée des prix des produits importés ; l’alourdissement de la dette publique de l’Etat car étant essentiellement libellé en euros ; tout ceci entrainant une inflation à l’interne et un ralentissement de la croissance car un déficit criard pourra s’observer sur la balance des paiements. Vue sous cet angle, la dévaluation est indésirable pour toute économie. Nous proposons ici des mesures à mettre sur pieds afin que cette éventuelle dévaluation puisse redynamiser notre économie en rendant nos produits plus compétitifs à l’internationale.

 La question du taux de la dévaluation

Une dévaluation se fait à un certains taux. La première dévaluation s’est faite au taux de 33% par rapport au Franc Comorien et 50% par rapport au FCFA. Le taux de la dévaluation est un facteur déterminant de  la réussite d’une dévaluation car devant refléter le niveau de santé réelle des économies concernées. Ce taux détermine l’ampleur de la dévaluation sur les volumes effectifs des exportations et donc sur le volume totale des exportations. Le taux détermine également le niveau d’intervention ou de nécessité des mesures d’accompagnements.

Mesures à prendre pour les exportations.

Nous constatons que les potentialités de notre pays qui sont jusqu’à présent très peu utilisées, devront être mises à profit tant dans le secteur énergétique (avec les différentes autres sources d’énergie), que dans le secteur agricole (avec la formation des professionnels en agriculture qui iront sur terrain pour implémenter leurs savoir ceci afin de fournir des produits de très bonne qualité et donc assez compétitifs, mais aussi afin de concevoir des techniques de cultures plus modernes et nécessitant d’avantage de ressources locale qu’étrangères; une augmentation de la main qualifiée afin de booster ce secteur pourra être utile et aussi l’exploitation de nouvelle terre).

Cette production agricole soutenue par une offre de plus en plus suffisante en énergie, permettra non seulement de stabiliser les prix  (l’offre en biens surtout de substitution sera largement au-dessus d’une demande qui aura elle-même accrue du fait que les importations sont devenues plus chères) mais aussi de redynamiser l’industrie exportatrice. Il faut noter qu’une part assez importante du budget de l’Etat est consacrée chaque année à l’importation des biens tels que le riz, la farine, le maïs. Donc, une production à grande échelle nous permettra non seulement d’atteindre l’auto-suffisance alimentaire, de réduire considérablement les dépenses gouvernementales mais aussi de lutter contre le chômage.  

Il faudra également informer les agents économiques sur la nécessité de se tourner vers les biens de substitutions afin de réduire considérablement les importations, ceci à travers des débats télévisés, des communiqués radio et aussi des descentes sur le terrain.

Le secteur informel devra être remobilisé pour cette cause. Il est important de noter que ce secteur occupe une place capitale dans notre économie. En essayant d’orienter leurs activités vers la production des biens de substitutions aux biens généralement importés. C’est ainsi que l’artisanat pourra se développer pour fournir des vêtements et chaussures de qualité meilleure que ceux importés. Tout cet engouement ne sera possible qu’avec un soutien de l’Etat et une volonté sans faille de ce dernier à  tirer profit de cette dévaluation.

Ce soutien est caractérisé par l’octroi des facilités d’accès au crédit pour pouvoir produire davantage, le soutien dans la vente de ces produits à l’internationale, l’éducation des différents acteurs (la société civile), la réduction des impôts pour certains acteurs clés et sur une courte période (la période est en fonction du taux de la dévaluation), l’incitation des agents économiques à la création des entreprises utilisant essentiellement les ressources locales comme matières premières  et enfin faire de l’agriculture et l’industrie les axes prioritaires de l’action gouvernementale et donc réduire autant que ce peut les dépenses des autres secteurs.

Une réduction très importante (en volume surtout)  du niveau des importations est une condition nécessaire d’efficacité d’une dévaluation. Une réorientation de la production locale et les habitudes à la consommation des agents économiques y contribue fortement.

Dans le processus de production il sera tout aussi important de faire appel de moins en moins au capital et aux matières premières étrangères car ils deviennent de plus en plus chers. D’où la nécessité de faire recours de plus en plus aux ressources naturelles, et d’accorder une attention particulière au financement de la recherche afin de trouver des moyens adéquats pour avoir, à terme, des produits 100% Made in Cameroon.

La priorité est ailleurs !

L’urgence n’est pas à une dévaluation aveugle comme ce fut le cas en 1994. L’important, pour les nations africaines, c’est de centrer leurs efforts sur le renforcement des éléments macro-économiques susceptibles de faire passer la croissance du continent à deux chiffres. Cela implique une politique monétaire, industrielle et agricole très ambitieuse et l’accompagnement des acteurs du secteur privé. Sans doute, l’acquisition d’une vraie souveraineté monétaire permettra d’éviter les débats inutiles autour de la dévaluation du Cfa, débats orchestrés par les institutions de Brettons Wood pour distraire l’élan économique de l’Afrique.

 

 

 

Publicité
Commentaires
WAKE UP AFRICA. Bienvenue sur la page web de l'AUDA (Association pour l'Unité et le Développement de l'Afrique)
Publicité
Publicité